Dans la cour des grands, les chinois Tencent et Alibaba se détachent largement. Disposant de très grosses sommes d’argent, conscients que tout doit aller très vite, les deux géants du Web jouent, prennent des risques et rachètent à tour de bras, devenant mois après mois, de plus en plus gros. Retour sur ces deux phénomènes, différents et pourtant si semblables, avec Stéphane Joly, vice-président exécutif, Altavia Asie.
Crées il y a 20 ans, les deux géants chinois connaissent des rythmes de croissance absolument spectaculaires. Quelques chiffres :
Tencent :
- Capitalisation boursière : 550 milliards de dollars
- Résultats : 3,5 milliards de dollars
- Date de création 1999
- Effectifs : 39 000
Alibaba :
- Capitalisation boursière : 485 milliards de dollars
- Résultats : 3,9 milliards de dollars
- Date de création : 1998
- Effectifs : 50 000
« A titre de comparaison, le groupe Carrefour, qui emploie plus de 400 000 salariés à travers le monde, ou TESCO, pèsent l’un comme l’autre moins de 20 milliards de dollars », souligne Stéphane Joly. C’est dire le fossé qui sépare les deux chinois avec les autres. »
Une guerre de rapidité, sur les mêmes créneaux
Tencent, opérateur de jeux vidéos et de la très populaire application de messagerie WeChat, et Alibaba, société de commerce en ligne, incarnent deux univers différents. Les similitudes observées dans leur stratégie de croissance, sont néanmoins nombreuses. « Tencent et Alibaba ont tous les deux mis en place un service au succès phénoménal : le paiement mobile, raconte Stéphane Joly. WeChat (Tencent) et Alipay (Alibaba) sont massivement utilisés par les Chinois, qui n’utilisent quasiment jamais plus d’espèces pour régler leurs achats (ndlr : voir l’article « CHINE : Le succès fulgurant du paiement mobile »). Les deux géants sont également propriétaires d’une banque virtuelle, d’une société de vélos en libre service, d’une grosse agence de voyages, d’une société de livraison à domicile de sites de vidéo … » Les deux groupes surfent sur des créneaux identiques, rencontrant toujours un grand succès.
De moins en moins d’acteurs, de plus en plus gros
« Depuis deux ans, on observe une accélération des prises de participations, chez les pure players et, depuis quelques mois, dans le « off line », avec les rachats de centres commerciaux et magasins », ajoute Stéphane Joly.
Tencent :
- 20% de la plateforme de e-commerce JD.com ;
- 100% de la plateforme e-commerce Yihaodian : 1,5 milliard de dollars ;
- 4 % de Dalian Wanda (énorme conglomérat de centres commerciaux et de cinémas) : 1,5 milliard de dollars ;
- 7 % de Vipshop.com : 600 millions de dollars ;
- 5 % de la chaîne de supermarchés Yonghui Superstores ;
- Rapprochement avec Carrefour China.
Alibaba :
- 36 % d’Auchan Chine : 3 milliards de dollars.
- 30 % de la société d’électroménager Suning : 7 milliards de dollars
- 100 % de la chaîne de supermarchés Hema : 300 millions de dollars
- 75% des centres commerciaux du groupe Intime : 2, 6 milliards de dollars
- 12,77 % (avec le groupe chinois Cultural Investment Holdings) de Dalian Wanda : 1,2 milliard de dollars.
« En l’espace de quelques mois, Tencent a déboursé 5 milliards de dollars, souligne Stéphane Joly. Et 15 milliards de dollars pour Alibaba. C’est colossal ! Et le phénomène ne cesse d’accélérer. Il n’y a quasiment pas une semaine sans un deal d’un milliard de dollars. Tous deux ont la même envie de contrôler et s’attaquent aux mêmes proies. L’argent coule à flots. »
En Chine et en Asie du Sud-Est, des rapprochements et des rachats sont encore attendus dans les prochains mois/années. Il y aura de moins en moins de joueurs ; et seuls les gros resteront.
Le nouvel or noir : la data
Aujourd’hui, Alibaba et Tencent jouissent d’un autre atout important : les données clients récoltées au cours de toutes les transactions. « Fréquence d’achat, types d’articles achetés, régime alimentaire, présence d’enfants dans le foyer, capacité à revenir au même endroit faire du shopping … Toutes ces données « cross canal » et « cross banner » valent de l’or si elles sont bien exploitées ! » annonce Stéphane Joly.