Les chiffres de l’Insee sont sans appel : la mise sous “cloche” d”une grande partie de l’économie française pour combattre la propagation du Covid 19 entraine une baisse de 36% de l’activité économique.
Force est de constater un véritable séisme, d’une société en ébullition permanente, nous sommes désormais à l’arrêt. Nous sommes plongés dans une crise de l’offre, les commerces sont pour la plupart fermés et une crise de la demande, nos concitoyens qui sont confinés ont réduit drastiquement leurs achats. Les Echos du 9 avril relève par ailleurs “De façon générale, les dépenses effectuées dans les magasins ont reculé de 60 % depuis le confinement. Celles sur Internet ont aussi baissé de 20 %”.
Le choc de la pandémie et ses conséquences désastreuses pour le Commerce commencent à être digérés, un tout petit peu. Nous sommes en train de vivre une sorte de “phase 2”. Sauver ce qui peut l’être, le business, les emplois, la relation client, ce fameux lien qui unit le commerçant et son client. Des stratégies de survie fleurissent un peu partout, une partie du commerce se réorganise en intégrant toutes les contraintes COVID 19. Créativité, agilité pour créer plus de résilience.
Passer en mode “lab”
L’enjeu est d’accueillir les nouvelles contraintes provoquées par la pandémie pour protéger collaborateurs et clients. C’est le choix de certains grands acteurs de la restauration rapide. Depuis le 2 avril, une quinzaine de restaurants McDonald’s s’organisent en mode “ contactless”. De la vente à emporter et des livraisons uniquement. Mcdonald’s France s’est appuyé sur un comité scientifique (virologues, médecins et salariés) pour dessiner une nouvelle organisation de ses restaurants. Un laboratoire pour digérer les nouvelles contraintes, imaginer de nouvelles règles, les tester sur le terrain pour envisager ensuite de les déployer sur l’ensemble de son parc de restaurants. Les groupes Pizza Hut et KFC ont eux aussi adopté cette stratégie « 100% sans contact ».
Passer en mode agile
Norauto a lancé “SOS Norauto” début avril, un service d’intervention d’urgence pour deux produits “essentiels” dans une cinquantaine de ses garages. En cas de panne de batterie ou de crevaison,un collaborateur de l’enseigne vient alors dépanner ou livrer à domicile dans le respect des règles de sécurité sanitaire après une demande d’intervention en ligne.
Chez le caviste Nicolas, les magasins vont rouvrir progressivement. Lors de la période de fermeture (décidée par Nicolas), un plan “sécurité sanitaire” a été élaboré et testé dans les magasins volontaires. Désormais, les magasins Nicolas prévoient notamment de faire entrer un client à la fois dans le magasin (interdiction pour les clients de toucher les bouteilles), et de n’autoriser que les paiements en carte bancaire.
De même, les enseignes de bricolage (Leroy Merlin) comme celle de la distribution de produits électroménagers (Boulanger, Darty & Fnac) adoptent des mesures drastiques pour reprendre un début d’activité. L’idée est bien d’épouser ces nouvelles contraintes pour garantir à tous une sécurité sanitaire. Click & Collect, services de livraison ou encore Drive sont peu à peu déployés pour répondre aux urgences des clients. C’est aussi pour ces enseignes l’idée de se projeter sur le « après-demain ».
Quand bien même lorsque nous serons déconfinés, il y a fort à parier que les nouvelles règles de distanciation sociales vont perdurer. Peu à peu, les grandes enseignes du retail s’organisent pour rétablir un lien marchand (Nicolas, Interflora) avec leur client.
Solidarité, agilité et créativité pour les commerces indépendants
Alors qu’ils sont la vitalité de nos centre villes, lieux d’échanges, de rencontres, lieux de vie, métiers de bouche, restauration, bistrots, cinémas et commerces indépendants sont dans une situation critique. Déjà, les grèves et les manifestations des Gilets Jaunes ont été des périodes extrêmement compliquées pour les commerçants. Désormais, après un mois de confinement, les trésoreries sont asséchées, les charges pèsent sur les comptes d’exploitation et les perspectives plus positives semblent lointaines.
Cependant, de nombreuses initiatives ont émergé pour apporter des solutions. Elles sont le fruit de plusieurs dynamiques, aussi bien en France qu’à l’étranger. Elles sont des énergies, des solutions qui caressent l’idée d’amortir le “choc” de cette pandémie.
Vendre en restant fermé
Proposer des bons d’achats (soulager les trésorerie) qui seront utilisables après le confinement est une idée séduisante et agile. Une initiative proposée, entre autres, par Petitscommerces.fr dont la mission est de mettre en valeur les commerces de proximité sur le web. Avec leur plate-forme soutien-commercants-artisans.fr, le succès est au rendez-vous.
« Nous avons lancé la plateforme il y a seulement 15 jours, et déjà plus de 1500 commerçants se sont inscrits, 2500 commandes ont été passées, pour un montant total dépassant les 150 000 euros ! Et c’est exponentiel, le nombre de commerces inscrits et de commandes passées par les clients explosent chaque jour »,
La Poste est aussi à l’origine d’une initiative remarquable : “Ma Ville Mon shopping”. Le magazine LSA relève que 1200 commerçants sur 160 communes se sont tournés vers cette plate-forme. Pendant cette période troublée, l’inscription est gratuite. La solution compte 3000 utilisateurs chaque jour. La Poste propose une solution “clé en main”, création d’une e-boutique et des solutions de livraisons via les tournées des facteurs.
L’opération #SAUVETONRESTO, propose une solution identique : acheter des bons pour des repas, nuitées ou expériences à utiliser dès la fin du confinement. Deux start-up bénévoles (HEMBLEM, LePotComumun) sont à l’origine de cette initiative. La filière de la restauration est vraiment dans une situation catastrophique. Au début du mois d’avril, la restauration accuse déjà une perte de 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, qui se répercute inévitablement sur les fournisseurs dont la baisse de revenus est estimée à 1,1 milliard d’euros. (source : Food Service Vision). Mobiliser les énergies, proposer des solutions, sensibiliser les clients sont autant d’initiatives qui permettront à une partie des acteurs de garder la tête au-dessus de la ligne de flottaison financière.
AB InBev lance des « bière bonds » pour aider les bistrots en Europe. L’idée est de demander aux clients de payer aujourd’hui pour consommer lorsque ces établissements seront rouverts au public. Encore une fois, cette solution, qui fait appelle à la solidarité des citoyens, passe par une plate-forme digitale,www.barsolidaire.fr qui permet de gérer cet élan.
En une semaine, en France, 200 établissements se sont inscrits sur la plateforme, et 330 consommateurs y ont versé 11.000 euros. L’initiative a été lancée en parallèle dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni, en Italie et en Belgique. (source La Tribune)
Le Groupe Pozeo, acteur majeur de la billetterie cinéma et loisirs, a décidé d’agir face à cette situation inédite. #J’aime Mon Ciné propose d’agir maintenant pour demain. Les entreprises partenaires de l’opération s’engagent à offrir à leurs clients ou à leurs salariés une place au plein tarif (9,85€). Pozeo finance alors la seconde dans la limite de 300 000 places.
Aux États Unis, le retailer Neighbourhood Goods a dévoilé une nouvelle plate-forme gratuite “The Commons by Neighborhood Goods,” pour venir soutenir les commerçants locaux. Une plate-forme digitale pour permettre au “local businesses” de recréer des liens marchands au plus vite avec leurs clients. Neighbourhood Goods s’est d’autre part engagé lors de la réouverture des ses magasins à inviter les chefs des restaurants locaux dans ses cuisines pour présenter leur savoir-faire et dynamiser ainsi leur prochaine réouverture. De plus, le retailer s’est engagé à organiser de futurs “Happy Hours” pour faire travailler la communauté des artistes et ainsi soutenir l’écosystème culturel.
Au Canada, l’agence créative et technologique CloudRaker a créé dès la fin mars la plate-forme Rue Principale pour soutenir les commerçants locaux qui restent ouverts pour la vente à emporter ou les livraisons. “En offrant une plateforme recensant les commerces ouverts, nous souhaitons faciliter le processus et encourager la communauté à commander leurs plats préférés ou à acheter une carte-cadeau pour des achats futurs. Ces petits commerces apportent une énorme contribution à nos quartiers et nous souhaitons garder ceci intact pour le bénéfice de tous.”
Une solution simple (2 jours de déploiement) qui permet donc de valoriser les initiatives des petits commerçants de proximité pour garder le lien avec leurs clients. À Montréal, c’est déjà plus de 500 commerçants qui sont identifiables sur Rue Principale.
Les principes d’un commerce unifié
À la fois créatives et ingénieuses, ces belles initiatives mettent aussi en évidence les carences du commerce de proximité. Un commerce encore peu digitalisé, des systèmes d’informations basiques, peu de solutions logistiques efficientes. La crise provoquée par le Covid-19 a mis en exergue les faiblesses des petits commerçants (mais aussi de certains acteurs référents) dans leur gestion de la relation clients face aux contraintes sanitaires.
Demain, les acteurs du commerce de proximité vont devoir proposer des solutions transversales qui s’appuient, d’une part, sur leur magasin physique mais aussi sur un magasin digital, parfois “sorti de terre” en quelques semaines. Ils s’alignent donc sur les règles d’or de l’omnicanalité : offrir aux clients le choix entre deux mondes complémentaires. Adaptation temporaire ou évolution pérenne accélérée par l’onde de choc COVID ?
La réponse se situe certainement dans la capacité de ces petits commerces à (re)créer demain du lien durable, tangible, avec leurs clients, au-delà des “outils”.